CHRONIQUES SUR LE DEUIL

Le deuil blanc

Le deuil blanc est une expérience qui passe souvent inaperçue. Nous sommes plusieurs à l'avoir vécu, sans même savoir que ce chagrin porte un nom: le deuil blanc... Invisible. Méconnu. Incompris. Et pourtant bien douloureux. Il réfère à la profonde tristesse qui nous afflige lorsque nous prenons soin d'une personne que nous aimons et qui, progressivement, perd de sa lucidité et de son autonomie.

C'est la peine qui nous habite lorsque nous sommes témoins qu'une maladie dégénérative, comme l'Alzheimer, vient graduellement effacer la mémoire de notre proche et lui enlever de plus en plus de capacités. Si bien que même s'il est toujours présent physiquement parmi nous, il devient de plus en plus absent, confus.  

Alors, notre relation s'effrite: nos discussions s'appauvrissent; nos activités deviennent limitées; nos habitudes se perdent...  Et nos rôles changent: le mari a l'impression de devenir davantage le gardien de son épouse; la fille se sent comme la mère de sa mère... Tous ces changements dans notre dynamique nous bouleversent. Peut-il en être autrement alors que nous voyons l'autre nous quitter à petit feu?

Reste qu'au fil de l'évolution de la maladie, notre peine est souvent ignorée. Les gens s'informent d'emblée de la situation de notre proche, oubliant que nous en sommes également ébranlés. Et nous avons aussi tendance à dédier toute notre attention envers notre proche malade: nous organisons notre horaire pour lui offrir régulièrement une présence; nous veillons à ce qu'il reçoive des soins de qualités; nous gérons les rendez-vous... Dans l'addition de toutes ces tâches, sommes-nous soucieux de notre vécu émotif quand, par exemple, l'autre ne nous reconnaît plus? Avons-nous conscience de porter un deuil blanc? Puisque nous vivons bel et bien une expérience éprouvante. Tout ce qui s'éteint chez l'autre, au cours de la maladie, allume en nous de vives émotions... Reconnaissons-le!    

Mélissa Raymond
Travailleuse sociale

Retour à la liste des chroniques

Mélissa Raymond
Chroniques par :

Mélissa Raymond

travailleuse sociale